mardi 30 juin 2009

Bilan : Mad Men (saison 1)



Bienvenue dans les années 1960. Ses brushings toujours parfaits, ses costumes tirés à quatre épingles, ses familles modèles. En décrivant la vie de ces cadres new-yorkais de la publicité, Mad Men va briser une à une les images figées de l'époque. La force de la série repose en effet sur la construction et le développement des personnages plus que sur l'histoire en elle-même. Avec la découverte de chaque personnage et le sujet de société qui est abordé à chaque épisode ou presque, c'est la plongée dans un univers qui apparaît beaucoup plus complexe et moins lisse que sur les images d'Épinal diffusées par les médias de l'époque. Je ne prétendrai pas avoir connu les vraies années 1960 aux États-Unis, mais pour avoir étudié en détail cette période de l'histoire américaine pendant mes études universitaires, je sais que la réalité était bien différente. N'oublions pas que nous sommes ici en pleine Guerre Froide et que les médias diffusaient alors au monde des images d'une société parfaite pour lutter contre un communisme réputé être le mal incarné.
Bref.

L'introduction dans l'univers des hommes de la Madison Avenue se fait par l'arrivée de Peggy, jeune fille de la campagne qui arrive à New-York pour travailler comme secrétaire chez Serling & Cooper, l'agence de publicité qui sert de cadre à l'histoire. A travers le regard de Peggy (dont je n'ai jamais pu bien saisir pendant toute cette première saison si elle était vraiment si naïve qu'elle le laisse transparaître), nous entrons dans un monde où le cynisme est roi, et les scènes de brainstorming ou de présentation de campagnes publicitaires aux clients sont d'ailleurs sur ce point absolument délicieuses. Comment vendre des cigarettes alors que le ministère de la santé vient de les déclarer dangereuses ? Comment faire face aux exigences du client qui s'obstine dans une voie marketing discutable ?

Mais ce qui m'a le plus interpellée dans Mad Men, c'est la description des rapports hommes-femmes. La série se déroule à une période où le sexisme est une norme mais on sent déjà une certaine évolution à quelques années de la révolution sexuelle à la fin des années 1960. Et l'évolution la plus frappante dans cette saison est pour moi celle des femmes. Lorsque s'ouvre la série, les femmes qui travaillent chez Sterling & Cooper sont toutes célibataires, les femmes mariées ne travaillent pas ou plus (Betty, la femme de Don Draper, était autrefois mannequin) et sont l'image parfaite de la mère de famille modèle. Peu à peu, ce modèle s'effrite et on se rend compte que Peggy est plus ambitieuse qu'elle ne le laisse paraître, que Betty (sosie de Grace Kelly) regrette son ancienne carrière et a du mal à gérer la vie de famille avec un mari absent (et qui tient tout de même particulièrement la forme avec 2 maîtresses à satisfaire en plus de sa femme, chapeau bas...).
Joan, la supérieure de Peggy (sorte de secrétaire en chef), se révèle être la maîtresse du patron de l'agence et semble assumer parfaitement son rôle de concubine sans vouloir prendre la place de la femme officielle. Elle incarne la femme fatale de l'époque mais elle est bien consciente de sa place de femme dans un monde d'homme et ne va rien faire pour changer cela, ce qui lui donne à première vue un avantage et une assurance sur les autres femmes de la série mais en fin de compte, c'est elle qui reste la plus soumise aux codes de l'époque. J'ai été particulièrement touchée par ce personnage qui cache sa fragilité derrière un mur d'assurance.
Midge, première maîtresse de Don, est le genre de femme artiste bohème sans attaches mais qui laisse percevoir petit à petit qu'elle a aussi besoin d'une certaine stabilité, pas forcément avec Don d'ailleurs.
Et pour finir, Rachel Menken, la seule femme client de l'agence, est elle aussi bien consciente de sa condition de femme dans un monde d'homme mais contrairement à Joan, elle veut être leur égal et se retrouve très troublée dans ses convictions lorsqu'elle commence à tomber sous le charme de Don. Tous ces stéréotypes de femmes sont effrités tout au long de la saison, comme si on grattait le vernis pour voir ce qui se trouve dessous.

Mais les hommes sont évidemment très et même plus présents que les femmes dans cette saison. A commencer par le héros, Don Draper, homme mystérieux tout droit sorti d'un film noir des années 1940. A part Don, qui semble incarner ce héros fort à la Bogart, les autres hommes de l'agence, sont décrits comme étant plutôt faibles et comme de grands enfants. Pete Campbell par exemple, le rival de Don à l'agence, est vu comme un petit enfant trop gâté et frustré qui voudrait bien ressembler à Don Draper mais qui sait très bien qu'il ne lui arrivera jamais à la cheville. Il agit toujours de manière très impulsive et comme s'il avait quelque chose à prouver. Il semble aussi se laisser totalement mener par les femmes et par ses parents/beaux-parents.

La série aborde également rapidement le sujet de l'homosexualité, aussi bien masculine que féminine, de manière particulièrement fine et en totale adéquation avec l'époque.

D'un point de vue technique, la réalisation est absolument magnifique avec des plans rappelant ceux utilisés par le cinéma de l'époque et une photographie toute en nuances.

Le seul reproche que je pourrais faire à cette première saison est son rythme parfois trop lent, nécessaire à l'élaboration et à la description de certains sentiments mais qui crée des longueurs, qui peuvent s'avérer gênantes sur certains épisodes.

Mad Men décrit finalement très bien la période charnière que sont les années 1960 dans l'histoire des États-Unis, entre changement et nostalgie, entre envie de briser les carcans et de garder une certaine stabilité, le tout grâce à des personnages particulièrement bien construits.

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